Jour après jour, Kim et vous avez partagé de bons moments et des moments de crise. Cela fait maintenant près de sept mois que vous vivez dans le squat. La veille, Kim a soudainement quitté le squat et vous n’avez aucune idée du sort que sa vie chaotique lui réserve. Son absence vous rendrait triste si vous n’aviez pas à faire face à vos propres démons.
Ce vieil immeuble, dans un milieu dépourvu de fonction sociale, dans un état d’abandon et de délabrement, au beau milieu d’un quartier défavorisé, c’est votre chez-vous. Dans le squat, il n’y a pas forcément un nombre fixe d’habitants : toujours plus ou moins chaque jour. Il y a parfois des départs, parfois des arrivées. Même si la fréquentation reste la même. De ce qui est de votre alimentation, vous vous débrouillez avec quelques repas froids trouvés, achetés ou donnés par quelques âmes généreuses passant par là. Au début, vous aviez toujours faim, puis vous avez appris à limiter vos besoins. Vous avez créé des liens, organisé des activités avec les autres squatteurs, vous avez même peu à peu rendu les espaces plus agréables à vivre. Dans le squat, les conditions pour dormir sont supportables. Les gens du squat avaient déjà trouvé pas mal de vieux matelas avant votre venue. Vous êtes quand même parfois réveillés par quelques bruits qui peuvent perturber votre sommeil. Physiquement, vous avez perdu du poids. Vous vous sentez un peu plus faible, vous subissez certainement quelques carences. Mentalement, vous n’êtes pas forcément très bien tous les jours : entre le froid, la faim, parfois la solitude, et de temps en temps certaines tensions dans le squat, tout n’est pas toujours facile. Parce que malgré cette cohésion, cet esprit d’entente, de famille, des bagarres ont parfois lieu, plus ou moins violentes. Heureusement, toutes se finissent généralement bien, grâce à un de vos bons amis. C’est d’ailleurs lui qui vous vend de la drogue. Or, cela fait maintenant deux jours qu’il devrait être revenu avec ce qu’il était censé vous vendre. Vous oscillez entre agacement et inquiétude. Comme c’est aussi un très bon ami à vous, vous vous mettez à sa recherche. Vous entendez certaines rumeurs selon lesquelles il serait à l’hôpital dans un état critique à cause d’une overdose.
Vous décidez d’intensifier les recherches et finissez par retrouver l’établissement où il a été pris en charge. Dès le hall, l’agent d’accueil vous annonce son décès. Cette mort vous fait vous poser énormément de questions sur ce que vous êtes, ce que vous allez devenir, et ce que vous comptez faire. Beaucoup de questions pour lesquelles vous n’avez aucune réponse. Mais une certitude s’ancre en vous : la mort de votre ami ne sera pas sans conséquences pour vous.
Sur le conseil d’un commerçant, à qui vous avez raconté votre mésaventure, vous poussez la porte d’une association et y rencontrez un psychologue. Vous parlez ensemble dans un petit cabinet isolé. Le psychologue vous pose un tas de questions sur votre état physique et mental. Vous vous sentez mal de raconter votre vie à un simple inconnu, mais il y a aussi une part de soulagement, le soulagement de trouver de l’aide et de pouvoir envisager de vivre à nouveau sans vous soucier de ce que les autres pensent. Ensemble, vous réfléchissez à une solution. Le psy vous pousse alors à contacter des membres de votre entourage en qui vous avez confiance. Vous hésitez énormément. Le rejet violent exprimé par vos parents rend le choix compliqué. Vous avez peur de la trahison, ce sentiment que vous connaissez déjà. Les rendez-vous passent et le doute reste constant. Le psychologue vous explique que ce serait une bonne chose de téléphoner à vos grands-parents. Vous pesez longuement le pour et le contre. Ce choix vous obsède, vous y pensez nuit et jour. Lors d’un rendez-vous, vous vous sentez enfin capable de prendre une décision. Après mûre réflexion, c’est celle qui vous convient le mieux.