Chapitre 28

D’autres nuits, d’autres dangers … Sans espoir et sans but, vous vous retrouvez à suivre une ligne de lampadaires qui s’étend sans fin, vos jambes vous portent rue après rue, lampadaire après lampadaire, les immeubles s’enchaînent, les lumières de vie des foyers à l’intérieur des appartements vous vident définitivement du peu d’énergie qu’il vous reste. Pourquoi ? Comment peut-on en arriver là ? Tous cela à cause de son orientation sexuelle ! À cet instant, vous prenez conscience que les façons de penser n’évoluent pas, que notre monde va mal de bien des façons…

Un bruit de fond vous tire de votre réflexion, vous décidez de le suivre. Au bout de la rue, vous apercevez une impasse d’où s’échappent de la lumière et une sensation de chaleur. Vous espérez reconnaitre celle du squat que vous cherchez.

Vous décidez d’entrer et découvrez un homme recroquevillé près d’un feu, vêtu d’un vieux bonnet, de mitaines miteuses, ainsi que d’une énorme veste de seconde main. Il écoute une radio qui grésille plus qu’elle ne diffuse de musique. Hésitant, vous finissez par vous approcher. D’une petite voix que vous ne vous reconnaissez pas, vous murmurez : « Je peux m’asseoir ? » L’homme grimace un sourire. « Bien sûr. Tu cherches un endroit où dormir. J’me trompe ? Tu viens de rentrer dans un squat, on a de la place pour toi, si tu veux. » D’un coup, l’espoir revient. Quelque chose de mouillé coule sur votre joue, une larme. Tout n’est pas perdu !

À la vue de ce simple 4m2, le sourire vous revient. Dans cette minuscule pièce aux murs sans couleur sont entreposés une étagère avec des numéros à appeler en cas d’urgence, ainsi que deux matelas posés à même le sol. L’interrupteur qui ressort du mur constitue l’unique élément de décoration. Vous déposez le sac poubelle contenant le reste de votre vie sur un des vieux matelas. Peu à peu, vos yeux habitués à l’obscurité distinguent sur l’autre couche un personnage dont vous n’arrivez pas à savoir s’il s’agit d’une fille ou d’un garçon. Sa petite taille et sa grande maigreur, ses cheveux courts en bataille, la finesse de ses traits abîmés par une balafre sous l’œil droit, la saleté de ses vêtements, son odeur acide, tout cela vous fait peur, mais dans un grand sourire et une main tendue, vous êtes accueilli sans détour :

– Bienvenue ! Moi, c’est Kim. Vas-y. Ca va aller.

Kim vous donne une tape sur l’épaule et se laisse retomber mollement sur son matelas crasseux. Vous faites de même, sur le vôtre, vos os perclus de fatigue et de stress, en larmes, vous disant tout de même que finalement toute humanité n’a pas disparu complétement.