«Sophie a cillé ! J’en suis sûre. Et la voilà qui pouffe !
– Tu déconnes ? C’est quoi ce truc tout pourri ?
Coup de couteau.
Cette petite dinde mélange tout. Elle ne reconnait pas la poupée ? J’y crois pas ! Quelle tristesse ! Ne pleure pas ! Ne pleure pas ; c’est pas le moment. Remets la chose dans ton sac.
Votre sang ne fait qu’un tour. Vous soufflez, espérant de toutes vos forces influencer les pensées d’Aline : « Elle est à toi, cette poupée. »
– Elle est à toi cette poupée.
– Alors ça, ça m’étonnerait. Allez, hop, on y va. On passe par la maison. Tant pis.
– Tant pis ?
« Tant pis » de quoi ? Et la voilà qui se lance dans un long monologue. C’est ennuyeux, Sophie ! Et puéril. Si tu crois que je ne remarque pas que quand je te regarde, tu fixes la route avec une intensité inutile ; y’a pas un chat dans ces bleds ! Elle m’échappe. Elle s’échappe. Elle ne veut pas connaître l’histoire de la poupée. Du balai. Non, je ne pleurerai pas. Je suis venue voir le vieux ; je vais voir le vieux.
– Et voilà.
– Ah ben là, il est bien serré le frein à main !
C’est bon ; elle sourit un peu.
– Vas-y. Ils sont tous dans la maison.
– Ah, dis donc, il est petit le jardin ! J’ai l’impression qu’il a rétréci.
Moins de fleurs, moins de lumière, des haies pleines de trous. La maison a l’air plus petite elle aussi. La peinture bleue des volets de bois est tout écaillée.
J’ai peur. Il faut bien rentrer ma grande maintenant que tu es là !